Louer un logement décent : les obligations du propriétaire bailleur
05/12/2017Que ce soit pour payer moins d’impôts ou pour capitaliser, investir dans l’immobilier locatif engendre des responsabilités à connaître pour éviter les mauvaises surprises et réaliser un investissement maîtrisé. La loi du 6 juillet 1989 oblige les bailleurs à louer un logement décent afin de garantir le confort du locataire. Cette obligation de fournir un logement décent à son locataire est l’un des points les plus importants instaurés par la loi visant à améliorer les rapports locatifs. En effet, le logement se doit de respecter un certain nombre de critères qui permettent d’assurer au locataire une sécurité et une salubrité. Ces critères sont définis au sein du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. L’article suivant vous informe sur vos obligations en la matière et sur les risques encourus en cas de manquement.
L’essentiel du dossier :
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Qu’est-ce qu’un logement décent ?
Le droit évoque la notion de décence et de salubrité. Bien que ces deux notions soient relativement proches, certaines différences existent. Le logement décent doit respecter des critères de surface, de confort, d’équipement et bientôt d’économie d’énergie.
La surface minimale
L’article R. 111-2 du Code de la construction et de l’habitation spécifie qu’un logement est considéré comme décent dès l'instant où sa surface habitable est au moins égale à 9 mètres carrés avec une hauteur sous plafond d’au minimum 2,20 mètres. L’autre critère retenu pour la surface habitable minimale à respecter est celui du volume habitable, qui doit être d’au moins 20 mètres cubes.
Au-delà de ces critères du Code de la construction et de l’habitation, le règlement sanitaire de chaque département peut avoir une interprétation différente. Ainsi, il n’est pas rare de constater qu’un logement de plus de 20 mètres cubes de volume habitable soit considéré comme non décent par ce règlement car sa surface habitable est inférieure à 9 mètres carrés.
Le calcul de la surface habitable ne prend pas en compte les combles non aménagés, les caves, les sous-sols, les garages, les terrasses ou les balcons. Depuis mars 2009, il est obligatoire d’indiquer cette surface habitable dans le contrat de location d’un logement vide.
Les « logements » dont la surface est inférieure à 9 m² ou 20 mètres cubes ne peuvent être loués. En précisant cela, on pense essentiellement aux chambres de bonne situées dans les combles des immeubles des grandes villes ou encore aux chambres d’étudiants ne respectant pas les règles de décence. Il est donc décemment et formellement interdit de mettre ce type de bien sur le marché locatif, et cela même si de nombreux candidats locataires pourraient être intéressés.
Les éléments de santé et de sécurité
Un logement est considéré comme décent au regard du critère de la sécurité et de la santé s’il respecte un certain nombre de critères. Parmi ceux-ci, il est possible de citer les critères suivants.
- Le gros œuvre du logement et de tous ses accès doit garantir, par sa solidité, une sécurité au locataire. De plus, ces éléments doivent le prémunir face à des ruissellements et des remontées d’eau.
- L’ensemble des éléments de menuiserie et de couverture doit assurer au logement une protection contre les éventuelles infiltrations d’eau.
- La lumière au sein du logement doit être suffisante, avec notamment un éclairement naturel minimal. Il convient ainsi que le logement soit équipé d’au moins un ouvrant donnant sur l’air libre.
- Les éléments de retenue des personnes, comme les garde-corps des fenêtres, des escaliers ou des balcons, doivent être en bon état, leur permettant d’assurer leur fonction.
- Enfin, l’état des matériaux de construction, des canalisations ou encore des différents revêtements utilisés pour le sol ne doit pas mettre en risque la santé et la sécurité des locataires.
Par ailleurs, l’ensemble des réseaux d’électricité et de gaz doivent être en bon état de fonctionnement et respecter l’ensemble des normes de sécurité. Cette obligation devra être respectée notamment en fournissant au locataire les diagnostics immobiliers obligatoires à la location.
Enfin, le logement devra être équipé de systèmes de ventilation qui doivent lui permettre d’assurer un renouvellement de l’air.
De plus, l’évacuation de l’humidité doit être adaptée aux besoins d’une occupation normale des lieux, mais aussi au fonctionnement des équipements. Il convient donc de doter le logement de tels systèmes, notamment dans les pièces où l’humidité peut être élevée, comme dans les salles de bains ou les cuisines.
Les performances énergétiques
Depuis le 1er janvier 2018, les biens mis sur le marché de la location doivent être énergétiquement performants. Ainsi, pour être considéré comme décent, le logement doit être protégé contre les infiltrations d’air parasites. Cela implique que :
- Les portes et les fenêtres soient suffisamment étanches à l’air ;
- Les murs et parois donnant sur l’extérieur ou sur des locaux non chauffés doivent être isolés afin d’offrir une étanchéité à l’air suffisante ;
- Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux non chauffés doivent comporter des portes ou des fenêtres afin d’empêcher les entrées d’air ;
- Les cheminées doivent quant à elles disposer de trappes qui empêchent l’air froid extérieur de pénétrer dans le logement.
À partir de 2021, un nouveau mode de calcul permettra d’établir le Diagnostic de Performance énergétique (DPE). Avec les nouvelles règles, tous les logements dont la consommation annuelle dépasse 331 kWh/m² seront classés F, ou G dans les pires cas. Considérés comme des « passoires thermiques », ces biens ne pourront plus faire l’objet d’une révision de loyer tant que leurs performances énergétiques ne seront pas améliorées. Ces contraintes pour les propriétaires bailleurs viennent répondre aux objectifs définis par la loi énergie-climat de novembre 2019.
Les éléments de confort du locataireet d’équipement
Pour être considéré comme décent, un logement doit contenir les équipements suivants, permettant au locataire de bénéficier d’un minimum de confort :
- une installation d’alimentation en eau potable qui assure au locataire une distribution, avec un débit et une pression suffisants, d’une eau buvable et saine. De la même manière, des installations d’évacuation des eaux usées sont également obligatoires afin de permettre d’empêcher le refoulement des odeurs ;
- une installation de chauffage qui assure au locataire la possibilité de pouvoir chauffer le logement conformément à ses caractéristiques. Par exemple, pour un logement de 80 mètres carrés, disposer d’un chauffage d’uniquement 500 watts pourra être considéré comme insuffisant ;
- une cuisine qui offre au locataire un espace de cuisson et un évier alimenté en eau potable chaude et froide et relié à un système d’évacuation. Ainsi, si les plaques de cuisson ne fonctionnent plus ou que l’évier a un problème dans la distribution d’une eau chaude sanitaire, il est clairement conseillé d’intervenir rapidement ;
- une installation sanitaire intérieure avec notamment des w.c. séparés de la pièce où les repas sont pris et de la cuisine et une douche ou une baignoire, préservant l’intimité du locataire, alimenté en eau chaude et froide et bénéficiant d’un système d’évacuation des eaux usées ;
- un éclairage suffisant grâce à un réseau électrique en bon état de fonctionnement. Le locataire doit avoir accès à des prises et des interrupteurs qui fonctionnent.De plus, les fils doivent être intégrés dans des gaines et ne pas être laissés apparents afin d’assurer la sécurité et le confort du locataire.
La notion de paisibilité
En tant que bailleur, vous devrez assurer à vos locataires la jouissance paisible du logement mis en location. Ainsi, vous devrez vous interdire de déranger votre locataire.
Dans le cas de travaux prévus par le propriétaire et répondant à ses obligations, il sera nécessaire de demander systématiquement l’accord du locataire pour savoir quand les réaliser.
De même, la loi réglemente, au regard de ce critère de logement décent, les visites du logement de la part du bailleur. Ces dernières ne doivent en effet pas être intempestives et imposées. Ces visites, si elles sont nécessaires, pour la réalisation de devis de travaux par exemple, doivent toujours être effectuées après obtention de l’accord de visite du locataire.
Par ailleurs, le bailleur n’aura pas le droit d’imposer des contraintes en matière de réception d’amis ou de famille de la part du locataire. Il en va de même pour la détention d’animaux de compagnie, excepté pour les animaux jugés dangereux, comme des serpents.
En revanche, en tant que propriétaire, vous ne serez aucunement responsable des troubles et nuisances provoqués par les tiers. Ainsi, un voisin bruyant ne pourra pas déclencher une action de votre locataire contre vous.
L'absence de nuisible
Pour garantir une jouissance paisible des lieux, le propriétaire bailleur doit s’assurer qu’aucun nuisible ne soit présent dans le logement ou l’immeuble. Ces nuisibles peuvent être :
- Des animaux, comme des rats, des chauves-souris et tout autre animal considéré nuisible ;
- Des parasites, tels que des puces de lit, des cafards, etc.
Le point sur les logements frappés d'un arrêté d'insalubrité ou de péril
L’article 5 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 considère que tout logement faisant l’objet d’un arrêté d’insalubrité ou de péril ne peut répondre aux critères de décence. Ainsi, il est interdit de louer un tel logement. Si des locataires sont en place, ils pourront partir sans aucun préavis.
Il faut savoir que :
- Un arrêté de péril peut être pris par le maire de la commune ;
- Un arrêté d’insalubrité dépend de la compétence de l’État et peut être ordonné par le préfet compétent.
Les moyens d’action du locataire
Un locataire qui constaterait des manquements dans les obligations de décence d’un bailleur aurait à sa disposition des moyens d’action importants pour faire modifier le logement dans lequel il vit.
Quelle sera la procédure à suivre pour un locataire ?
Un locataire qui constate que le logement ne répond pas aux obligations de décence légalement fixées devra au préalable tenter de prendre contact avec son bailleur pour lui demander une mise en conformité du logement, à l'amiable.
Si le bailleur souhaite effectuer les travaux de mise en conformité, le locataire devra préciser par lettre recommandée avec accusé de réception l’ensemble des travaux que le bailleur s’est engagé à réaliser ainsi que le délai d’exécution de ces derniers.
Si le bailleur ne répond pas à sa demande dans un délai de deux mois ou si les deux parties n’arrivent pas à s’entendre, le locataire aura le droit de saisir la commission départementale de conciliation. À noter que cette commission peut également être saisie sur initiative du propriétaire. L’intérêt de cette commission est d’avoir accès à un tiers extérieur qui pourra réaliser une médiation pour tenter d’aboutir à un accord.
Si aucun accord n’est trouvé avec l’aide de la commission, ce sera au juge de déterminer les travaux éventuels à réaliser ainsi que le délai à respecter. À cette occasion, le juge aura tout le pouvoir pour décider de réduire le montant du loyer, voire de le suspendre complètement. La durée du bail pourra également être impactée, par décision judiciaire, jusqu’à l’achèvement complet des travaux.
Que se passe-t-il en cas d’impossibilité d’amélioration ?
Dans le cas où la demande de locataire porte sur la modification de la surface habitable, il sera souvent impossible pour le propriétaire bailleur d’effectuer les travaux de mise en conformité, hormis via un relèvement de toiture.
Dans ce cas précis, une décision judiciaire peut obliger une révision du loyer à la baisse ou encore une fin de bail sans aucun préavis à respecter. À noter que la révision de loyer à la baisse, si elle est prononcée, concernera l’ensemble des loyers perçus depuis l’emménagement du locataire. En tant que bailleur, les conséquences financières peuvent donc être importantes puisqu’un montant conséquent pourrait être reversé à un locataire présent depuis plusieurs mois dans le logement loué.
Quels sont les impacts sur les aides au logement ?
Si un bailleur perçoit directement les aides au logement de son locataire, une mise en demeure judiciaire de mise en conformité empêchera de fait le versement en direct au bailleur de l’aide.
Ces aides au logement pourront être versées directement au locataire sous réserve que ce dernier justifie à l’organisme payeur qu’une demande de mise en conformité est déposée et en cours.
Notez que la caisse qui verse les allocations logement à un locataire ou à un propriétaire bailleur peut procéder, dès qu’elle le souhaite, à une vérification de la conformité du logement aux caractéristiques de décence. Elle peut intervenir dès que le moindre indice laisse douter de la décence du logement (dénonciation des services sociaux en charge des enfants vivant au foyer, information anonyme de la part d’un voisin, etc.).
Les sanctions encourues par le bailleur
Quel type de sanctions ?
Les sanctions relatives à la location d’un logement non décent encourues par le bailleur sont relativement limitées en nombre, mais avec un impact certain sur la rentabilité d’un investissement locatif.
En effet, les sanctions encourues sont de trois ordres :
- obligation de réaliser les travaux ;
- réduction de loyer ;
- versement de dommages et intérêts.
Pour un bailleur qui n’avait pas inclus une enveloppe de travaux en acquérant un logement jugé indécent devra donc revoir son montage financier autour du logement. De la même manière, une réduction de loyers peut impacter de manière considérable les échéances de crédit du propriétaire. Ce cas est d’autant plus vrai qu’un rattrapage de loyer en faveur du locataire peut avoir lieu.
Enfin, le versement de dommages et intérêts sera décidé à la discrétion du tribunal d’instance. Pour des cas lourds de location longue durée d’un logement indécent, les sanctions pécuniaires peuvent être fortes et dissuasives.
Quoi qu’il en soit, un propriétaire bailleur est censé connaître ses droits et ses obligations afin d’être sûr de louer un logement décent. Être frappé par de telles sanctions ne concerne généralement pas les propriétaires soucieux du confort du locataire.
Comment anticiper pour un propriétaire ?
Pour éviter d’avoir à se retrouver dans ce genre de situation, un propriétaire devra anticiper dès son acquisition cette norme de décence et les obligations qui en découlent pour lui afin de louer un logement décent.
Ainsi, lors des premières visites de logement, il sera important de prendre le temps de vérifier que les équipements indispensables sont bien présents. Le cas échéant, il conviendra de chiffrer une enveloppe de travaux permettant d’assurer la remise en conformité du logement et d’intégrer cette enveloppe de travaux dans le financement global de l’opération et dans le calcul de rendement locatif.
De la même manière, le propriétaire devra être vigilant sur la notion de surface habitable lorsqu’il visite des biens à acheter. Si les 9 mètres carrés minimaux ne sont pas présents avec une hauteur d’au moins 2,20 mètres, il conviendra de vérifier si des travaux sont possibles, comme le rehaussement de la charpente. Ici aussi, ces travaux devront être intégrés dans le budget global de l’investissement locatif.
Pour vous aider dans la détection d’éventuelles non-conformités, une lecture détaillée des différents diagnostics immobiliers sera impérative. De la même manière, bénéficier des conseils de votre notaire sur ces points sera un atout considérable pour réaliser une bonne opération immobilière.
Dégradation et normes décence
Il peut arriver qu’un bien loué réponde parfaitement aux normes de décence le jour de la signature du bail et que cela ne soit plus le cas après des dommages causés par le locataire. En effet, parmi les dégradations pouvant porter atteinte à la décence du bien, on peut citer en exemple :
- L’introduction de nuisibles tels que des rats (gardés comme animaux de compagnie puis abandonnés) ;
- La dégradation des portes ou fenêtres conduisant à une mauvaise étanchéité ;
- La dégradation du système électrique ou des appareils de chauffage.
Ce type de détérioration peut être à l’origine d’un locataire défaillant qui ne respecterait pas l’usage paisible des lieux
Dans ce cas-là, le propriétaire bailleur doit réagir au plus vite afin de prouver que les normes de décence ont été bafouées suite à des dégradations de la part du locataire. Une constatation par un huissier est possible.
Ces exemples montrent à quel point l’état des lieux d’entrée peut être précieux. Chaque détail doit être noté et des photos peuvent aussi être prises pour étoffer ce document.
Des normes imposées aux recours possibles pour un locataire, nous venons de voir quels sont les critères de décence qu’un propriétaire doit respecter pour mettre son bien sur le marché de la location. Ainsi, pour louer un logement décent, chaque élément obligatoire doit permettre d’optimiser le confort du locataire. Cela permettra aussi d’améliorer les rapports entre locataires et propriétaires bailleurs, comme le veut la loi du 6 juillet 1989.
Le saviez vous ?
Depuis 2018, des critères relatifs aux économies d’énergie figurent dans la liste des obligations pour louer un logement décent. Des travaux d’économie d’énergie sont donc peut-être à prévoir si le bien que vous louez n’est pas suffisamment isolé, par exemple. Par ailleurs, ces travaux d’amélioration énergétique peuvent entrer dans l’un des dispositifs de défiscalisation proposés par l’État, renseignez-vous !